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« Tout s’achète : L’amour, l’art, la planète Terre, vous, moi… surtout moi. L’homme est un produit comme les autres, avec une date limite de vente. Je suis publicitaire, je suis de ceux qui vous font rêver des choses que vous n’aurez jamais : Ciel toujours bleu, nanas jamais moches, bonheur parfait retouché sur Photoshop. Vous croyez que j’embellis le monde ? Perdu, je le bousille. » – Octave, 99 francs
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…..J’avais envie cette fois-ci d’écrire une critique sur un film français. Je ne savais d’abord pas duquel parler, puis l’évidence m’est venue : 99 francs. Je me souviens que quand je l’ai vu pour la première fois je ne m’attendais à rien de génial, et pourtant ce film a été une véritable claque. Cette comédie satirique a été réalisée par Jan Kounen (Dobermann) et est sorti le 26 septembre 2007. Le scénario écrit par Nicolas & Bruno s’inspire du roman éponyme de Frédéric Begbeder. Le personnage principal, Octave, est joué par Jean Dujardin (The Artist), accompagné de Jocelyn Quivrin dans le rôle de Charlie (L’empire des loups) et Vahina Giocante dans le rôle de Sophie (Blueberry, l’expérience secrète).
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…..Au début des années 2000, Octave Parango est concepteur-rédacteur à Ross & Witchcraft, une grande agence publicitaire parisienne. Il décide aujourd’hui ce que les gens voudront demain, et s’arrange pour que le consommateur soit sans cesse frustré et achète toujours plus. Il nage dans l’argent qu’il gagne en bousillant le monde. Quand Sophie rompt avec lui, et que la cocaïne et autres drogues ne lui suffisent plus à supporter le fait d’être un « imbécile irresponsable », il décide de se rebeller contre le système en sabotant sa prochaine grosse campagne publicitaire.
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…..Avec ses allures de comédie, 99 francs n’est pas une comédie. On rit, mais seulement à certains rares passages. Ce n’est pas tout souriant qu’on sort de la salle de cinéma, mais plutôt dégoûté de la vie et avec une envie passagère de se suicider. Enfin ce n’est pas mon cas, cela me fait toujours plaisir de voir un film qui a quelque chose à dire, qui veut partager un regard lucide et critique sur notre société pourrie par le capitalisme !
…..99 francs est une satire de la publicité. Jan Jounen, comme Frédéric Bedbeder, a travaillé dans ce milieu. Mais leur critique est nuancée : le film fait en effet l’éloge de la publicité artistique, en faisant référence notamment au film d’Apple 1984 pour le lancement du premier Macintosh. Ce type de publicité est opposée à celle qui est uniquement commerciale, sans recherche artistique. Plus précisément, est dénoncée la publicité qui pousse toujours plus le consommateur, constamment « frustré » par toutes les choses qu’il n’a pas, à acheter ce dont il n’a pas besoin et ainsi participer à la déchéance du monde : Problèmes environnementaux, creusement des inégalités, abattage intensif et fait dans des conditions souvent cruelles… C’est donc la publicité au service du monde de la surconsommation qui est visée par ce film. 99 francs montre comment la publicité exalte l’insatisfaction chronique de l’homme, jusqu’à en bousiller la Terre. Un message intelligent, et servi sans subtilité. Un regard pessimiste sur un monde ravagé par la bêtise.
….Les personnages sont tous plus détestables les uns que les autres, pour que le spectateur puisse mieux détester l’époque qui les a créés. Les publicitaires sont soit des artistes drogués, soit débiles, et les hommes d’affaires sont eux des arrivistes votant RPR. Octave, anti-héros aux répliques sarcastiques, est lui plus ambigu. Malgré le fait qu’il soit assez intelligent pour voir le mal qu’il fait, il collabore avec le gros monstre Pub. On le déteste parce qu’il est irresponsable et lâche. Mais on l’adore parce qu’il est délicieusement cynique, un idéaliste désenchanté qui va finalement se rebeller contre le système.
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…..Si le fond est excellent, la forme est très bien aussi avec une réalisation originale et épileptique. Jan Kounen n’obéit à aucun code et prend des risques, faisant de 99 francs une vraie oeuvre à part comme on en voit rarement. Le film offre du monde de la publicité une vision qui paraît si surréaliste, et pourtant si vraie, qu’on a du mal à y croire. Les nombreux effets spéciaux participent à ce surréalisme, rendant le film visuel, spectaculaire et encore plus déjanté. Sexe et drogue participent à l’atmosphère décadente, moyen utilisé pour mettre en évidence l’aliénation provoquée par la société de consommation. C’est acide, c’est cru et c’est trash. Ce que l’on peut reprocher à 99 francs, c’est l’humour gras un peu lourd qui est parfois employé dans certains passages… Mais le cynisme et l’humour noir sont eux un régal. Les nombreuses références ici et là participent à la richesse du film. Le rythme est nerveux, on ne s’ennuie pas une seule seconde.
…..Grâce au rôle d’Octave, Jean Dujardin confirme encore une fois son talent d’acteur caméléon. Quant à la bonne prestation de Jocelyn Quivrin, elle lui a valu un prix Lumière du meilleur espoir masculin mérité.
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…..Un des meilleurs films français selon moi, malgré une fin qui part un peu en sucette. 1h40 où l’on ne se lasse par une seule seconde. Un film ouvertement anti-capitaliste qui fait réfléchir. A voir absolument.
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Note : 4,5/5
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– by Lórien-Andréa